Tendinite, tendinose, tendi… Quoi?
Qui n’a pas déjà ressenti une douleur à l’épaule? Selon le rapport R-885, qui dresse un bilan des connaissances sur l’évaluation et le traitement des travailleurs atteints de lésions de la coiffe des rotateurs, la prévalence des problèmes musculo-squelettiques à l’épaule peuvent atteindre 7 à 26% de la population. Ils sont la deuxième raison de consultation après les problèmes vertébraux! Du côté de la CSST, celle-ci souligne que l’atteinte à l’épaule figure parmi les lésions professionnelles les plus communes.
Tendinite, tendinose ou tendinopathie… Ces termes vous disent quelque chose mais nous n’avez jamais su les différences? Voici les réponses à vos questions:
Tendinite: lésion tendineuse associée à la présence de cellules inflammatoires. (Survient suite à un traumatisme: représente la phase post-traumatique aiguë.)
Tendinose: dégénérescence chronique d’un tendon sans phénomène inflammatoire actif (survient de façon progressive avec mouvement répétés.)
Tendinopathie: regroupe l’ensemble des pathologies associées aux tendons (tendinite, tendinose, ténosynovite).
L’articulation de l’épaule permet beaucoup de mouvements, ce qui est très avantageux pour nos activités de tous les jours. Cependant, une articulation qui est très mobile offre, en contre-partie, moins de stabilité.
Nous pourrions dire que la tête humérale s’articule avec l’omoplate (cavité glénoïde) comme une balle de golf sur un tee. Le tee n’entoure pas très bien la balle de golf, ce qui lui confère peu de stabilité.
Si nous la comparons avec l’articulation de la hanche, nous pouvons voir que la tête fémorale de cette dernière est mieux enveloppée par l’os du bassin (ce que nous appelons le cotyle) . De plus, les gros muscles de la hanche qui s’attachent au pourtour de l’articulation augmentent sa stabilité.
La surface de la tête fémorale (en bleu), est mieux recouverte par l’os du bassin. Avec la forme des ses structures osseuses et ses muscles forts et volumineux, la hanche est une articulation plus stable que l’épaule.
Revenons donc à nos moutons. Comme l’épaule est une articulation ayant de grandes amplitudes de mouvement, il faut donc des structures autres qu’osseuses pour aider à la stabilité. Les ligaments sont les stabilisateurs passifs, c’est-à-dire qu’ils limitent les mouvement. Les tendons de la coiffe des rotateurs et la longue portion du biceps sont les stabilisateurs dynamiques de l’épaule. Ce sont ces derniers qui sont souvent problématiques lors des tendinopathies à l’épaule.
L’épaule est formé d’un espace que nous appelons voûte sous-acromiale. Celui-ci est formé de la tête de l’humérus, qui est comme le plancher, ainsi que de l’acromion et du ligament coraco-acromial, qui forme le toit. Le tendon du supra-épineux et la bourse séreuse passe dans cet espace. Lorsque vous levez le bras, la tête de l’humérus effectue un roulement vers le haut et glisse vers le bas. Les muscles de la coiffe des rotateurs travaillent en harmonie pour produire un mouvement fluide, tout en stabilisant la tête de l’humérus. Lors d’une tendinopathie, une des hypothèse de la présence de douleur peut être expliquée par certaines structures qui se font coincer dans l’espace sous-acromiale. Cela fait en sorte que la mécanique de votre épaule est altérée. L’épaule cherche à compenser; certains muscles sont inhibés (endormis) et d’autres travaillent trop. C’est pourquoi il ne faut pas s’attarder seulement à diminuer la douleur, puisque souvent, celle-ci est la conséquence et non la cause. Il faut bien évaluer et comprendre la source réelle du problème, afin de le corriger et par le fait même, diminuer le risque de récidive
Signes et symptômes
- Douleur lors des mouvements d’élévation (lorsque vous levez le bras vers l’avant ou sur le côté)
- Douleur en avant ou sur le côté de l’épaule qui peut descendre dans le bras
- Diminution de force du membre supérieur
- Raideurs matinales qui diminuent avec l’activité
- Douleur qui augmente en fin de journée ou avec le niveau activité dans la journée
Facteurs de risques
- Travail avec les bras au-dessus des épaules
- Vibrations membres supérieurs
- Mouvement répétitifs
- Transport de charges supportées par les épaules
- Sports de lancer
- Âge (50 ans et +)
Traitement
- Identifier la cause.
- Repos relatif. Continuer à bouger et effectuer les tâches qui ne vous sont pas douloureuses.
- Être patient. Les tendons sont des structures peu vascularisées (peu de sang) ce qui fait en sorte de ralentir le processus de guérison.
- Contrôler l’inflammation s’il y a lieu avec la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens sur une courte période.
- Cesser les mouvements douloureux.
- Un des objectifs principaux est de rétablir une bonne biomécanique à l’épaule. La douleur fait en sorte d’inhiber (endormir) les muscles stabilisateurs, ce qui entraîne une altération des mouvements de l’épaule. Cette altération crée de l’instabilité qui fait en sorte d’engendrer des microtraumatismes répétés, qui blessent vos tissus et produisent de la douleur. Un programme d’exercices aidera à stimuler le processus d’adaptation de votre épaule de façon progressive afin qu’elle réapprenne à bouger et forcer de manière adéquate et sans douleur.
La tendinopathie n’est pas une blessure musculo-squelettique grave en soi. Cependant, il est important de débuter le traitement rapidement puisqu’une des complications qui peut se développer suite à cette blessure est la capsulite rétractile. Ceci fait en sorte qu’il y a une inflammation de la capsule articulaire, l’enveloppe fibreuse et élastique qui englobe l’articulation. Il en résultera une diminution importante du mouvement causée par une raideur accrue de la capsule. Cette pathologie se traite également mais prend beaucoup plus de temps à guérir que la tendinopathie.
Prévention
Il existe plusieurs façons de prévenir l’apparition d’une tendinopathie.
Au travail:
- Une ergonomie adéquate favorisera l’adoption d’une bonne posture lorsque vous travaillez. Ceci fera en sorte de minimiser les tensions appliquées sur vos tissus lorsque vous bougez. Si vous n’êtes pas certain de votre positionnement, voici un document qui peut vous aider à vous corriger: cliquez ici 🙂
- L’échauffement permet à votre corps de se préparer à l’effort à accomplir. Lorsque vous travaillez physiquement, commencez par des tâches plus simples ou des objets moins lourds à soulever.
- Variez les positions! Si vous travaillez assis, prenez le temps de vous lever. Allez voir un collègue plutôt que lui envoyer un courriel, allez remplir votre bouteille d’eau… 2-3 minutes pour vous dégourdir aux heures!
Activités et sports:
- La technique est un des facteurs qui peut être problématique dans les tendinopathies. Les services d’un kinésiologue ou physiothérapeute aptes à analyser votre technique et vous corriger est très pertinent.
- La progression dans votre sport doit se faire de façon adéquate. Malheureusement, nous avons tendance à en faire toujours un peu trop, trop vite. Prenez suffisamment de repos et augmenter tranquillement votre volume d’entraînement.
- Le développement équilibré entre les muscles stabilisateurs (coiffe des rotateurs) et mobilisateurs (pectoraux, grand dorsal…) est très importante. De plus, le renforcement de la musculature de l’épaule améliore la qualité des tissus musculaires et tendineux, favorise une bonne biomécanique ce qui diminue le stress engendré à l’épaule.
- Le développement ou le maintien d’une force musculaire du tronc et des jambes est également souhaité. Cela permettra un transfert d’énergie optimal, une bonne stabilisation et en résultera une diminution du stress exercé sur l’épaule.
L’épaule est une articulation extrêmement complexe, qui demande stabilité et mobilité. Une évaluation par un professionnel de la santé compétent saura vous aider à comprendre l’origine de vos douleurs et à vous donner les outils pour agir efficacement sur la cause et régler le problème. En espérant que cet article vous aura donner assez de conseils pour prévenir plutôt que guérir! 😛
Carolanne Gariépy, Thérapeute en réadaptation physique et étudiante en physiothérapie à l’Université Laval
Sources:
Bergeron Y., Fortin L., Leclaire R., 2008. Pathologie médicale de l’appareil locomoteur, 2e Édition, Edisem 2008
Roy J-S., Desmeules F., Frémont P., Dionne E., MacDermid J C., L’évaluation clinique, les traitements et le retour en emploi de travailleurs souffrant d’atteintes de la coiffe des rotateurs, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015