Les examens radiologiques : toujours nécessaires?
Il y a quelques semaines, il a été question dans les médias de surdiagnostic et de surtraitement. La ville de Québec a été l’hôte d’une conférence internationale sur ces sujets à la mi-août. Bien que le sujet soit abordé surtout pour les diagnostics de cancer, cela concerne aussi le domaine de la physiothérapie.
Contexte en clinique
Les personnes qui nous consultent s’inquiètent souvent de ne pas avoir de radiographie ou de résonnance magnétique (IRM) préalable à notre rencontre pour l’évaluation de leur condition. Ils ont l’impression que si nous ne savons pas l’état de leur articulation par ces examens, nous ne pourrons pas trouver le problème et les traiter adéquatement.
Préalables à tout traitement
L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a étudié la situation de la prescription d’examen d’IRM et a publié un document en avril 2017 au sujet des conditions musculosquelettiques. Il en arrive d’abord à l’observation suivante :
« Il y a consensus sur le fait qu’une évaluation clinique bien menée (anamnèse et examen physique) est préalable à tout examen d’imagerie. »
Qu’est-ce que cela veut dire? Les physiothérapeutes sont formés pour recueillir les informations concernant votre histoire médicale (maladies ou conditions associées). Par exemple, si vous souffrez de diabète, cela pourrait avoir une incidence sur la vitesse de guérison de votre corps.
Ensuite, nous vous questionnons sur l’histoire de votre condition actuelle : depuis combien de temps les symptômes sont-ils présents, comment se sont-ils manifestés, qu’est-ce qui les augmente? Etc… Une fois cette étape terminée, les patients nous demandent parfois d’identifier leur problème. Nous ne pouvons toutefois pas nous prononcer sans avoir fait l’étape suivante.
Le-la physiothérapeute procède alors à l’examen physique. La région ou l’articulation est évaluée par des mouvements : ceci nous renseigne sur l’état des tissus musculaires, ligamentaires et articulaires. Nous choisissons ensuite des tests physiques pertinents qui mettront en lumière les déficiences de certains éléments de l’articulation. Nous pouvons alors vous donner des informations sur la structure atteinte et souvent les facteurs prédisposant à votre problème.
Si aucun indice dans l’histoire et dans l’examen physique ne nous fait soupçonner un problème sous-jacent à votre condition (drapeau rouge), nous procédons au traitement.
Quand les examens d’imagerie sont-ils pertinents?
Comme nous l’avons mentionné plus haut, un bon examen fait par votre médecin ou votre physiothérapeute permet d’identifier la ou les structures touchées et de les traiter adéquatement. S’il n’y a pas de soupçon particulier, une radiographie ou tout autre examen n’ajouterait rien aux informations obtenues et ne changerait pas le traitement donné.
Mentionnons ici qu’une radiographie permet de connaître l’état des os mais ne voit pas l’état des tissus mous (ligaments, ménisques, muscles, tendons). Une IRM permet de visualiser toutes les structures (osseuses et tissus mous).
Cependant, « des anomalies à l’imagerie sont très fréquentes chez les sujets asymptômatiques et toute attribution de causalité doit être faite après corrélation avec les signes et les symptômes cliniques. » (SOURCE) Ceci veut dire que des anomalies trouvées à l’IRM peuvent être sans rapport avec votre problème actuel et ne vous causent pas de difficulté même si elles sont considérées hors de la norme. Il faut que la pathologie trouvée par la radiographie ou l’IRM soit en lien avec vos symptômes.
Alors, quand est-il pertinent de pousser plus loin les investigations? L’INESSS a répondu à cette question et émis ces recommandations pour quatre régions du corps représentant les articulations les plus évaluées en musculosquelettique.
En voici un résumé dans le tableau suivant :
Région | Cause | Radiographie | IRM | Autre examen |
Lombalgie (douleur au bas du dos) | Non traumatique | N’est généralement pas indiquée avant une période de 4 à 6 semaines de traitement conservateur (médicaments, traitements de physio, exercices,…) sauf si une pathologie grave est suspectée.
Indiquée si : · le traitement conservateur a échoué · s’il y a présence de déficits neurologiques (perte de force, incontinence,…) · s’il y a possibilité de chirurgie |
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Lombalgie | Post traumatique | Indiquée | Indiquée si présence de signes neurologiques | |
Cervicalgie (douleur au cou) | Non traumatique | La prise en charge conservatrice améliore la situation sans qu’un examen soit nécessaire. | Indiquée s’il y a présence de signes neurologiques ou une suspicion de pathologies autres que musculosquelettique. | |
Cervicalgie | Traumatique | Indiquée (ou TACO) | Indiquée en fonction des résultats de la radiographie. | |
Genou | Non traumatique | Indiquée si les douleurs persistent ou il y a présence de déficits fonctionnels significatifs | Si présence de blocage ou symptômes mécaniques pouvant faire soupçonner une lésion méniscale ou un corps étranger.
Si la radiographie a révélé une lésion osseuse particulière. |
Dans les cas où l’on soupçonne l’arthrite, l’examen de choix demeure l’analyse du liquide synovial (liquide à l’intérieur du genou). |
Genou | Traumatique | Indiquée pour éliminer une fracture. | Indiquée si suspicion de dérangements internes (lésion méniscale ou ligamentaire). | |
Épaule | Non traumatique | En cas d’échec du traitement conservateur. | En cas de luxations récidivantes, épaule instable douloureuse ou lorsqu’une chirurgie est envisagée.
Si le traitement conservateur a échoué, si l’échographie n’est pas disponible. |
Échographie pour détecter une pathologie de la coiffe des rotateurs.
Analyse du liquide synovial si suspicion d’arthrite. |
Épaule | Traumatique | Indiquée. |
Ce tableau donne les grandes lignes des recommandations de l’INESSS. Celles-ci servent de guide à votre médecin et à votre physiothérapeute pour demander les examens d’imagerie lorsqu’ils sont nécessaires. Dans la plupart des situations courantes, il n’est pas pertinent de prescrire des examens qui ne nous donneraient pas plus d’informations. Au contraire, parfois cela entraîne de l’angoisse parce que certaines anomalies sont trouvées. Elles ne sont pourtant pas significatives mais cela crée une inquiétude inutile chez le-la patient(e).
Alors, si votre médecin ne trouve pas nécessaire de vous faire passer certains examens, vous savez maintenant que ce n’est effectivement pas toujours indiqué de le faire. N’hésitez pas à lui demander ses raisons: il pourra vous expliquer ses arguments. Chacun d’entre nous peut participer à faire baisser les coûts du système de santé: si nous diminuons les examens inutiles (surdiagostic), nous réduisons d’autant les frais associés à ces techniques.
Jacinthe Vaillancourt pht
Sources:
INESSS. Fiche synthèse de l’avis produit par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESS), avril 2017.
INESS. Utilisation optimale de l’IRM dans les cas de douleurs musculosquelettiques (DMS) chez les adultes, 2017.
Fleury, Elisabeth. Surdiagnostic – » Faire plus, ce n’est pas nécessairement mieux ». Le Soleil, samedi 12 août 2017.
Pepin, Fabienne. L’Actualité médicale: Dossier Surdiagnostic et surtraitement. La médecine souffre d’une nouvelle maladie: la surmédicalisation. Novembre 2013.